Introduction
Le jour de ʿĀshūrāʾ occupe une place centrale et sacrée dans le cœur de tous les croyants. Il est le point culminant de la commémoration du martyre de l’Imām al-Ḥusayn (as), l’incarnation du sacrifice et de la vérité face à l’injustice. Les Ahl al-Bayt (as) nous ont transmis des enseignements précieux sur la manière d’honorer cet événement, de raviver sa mémoire et de manifester notre attachement sincère, même lorsque la distance matérielle nous sépare de sa noble tombe à Karbalāʾ.
Cet article présente certains de ces actes méritoires et profondément recommandés pour le jour de ʿĀshūrāʾ, illustrant la dimension spirituelle et pratique du deuil sacré.
1. L’amour des Ahl al-Bayt (as) et le désir ardent de la Ziyāra
Le lien spirituel avec les Ahl al-Bayt (as) se manifeste avant tout par un amour sincère et un profond désir de visiter le mausolée de l’Imām al-Ḥusayn (as). L’Imām al-Bāqir (as) a dit :
مَنْ أَرَادَ أَنْ يَعْلَمَ أَنَّهُ مِنْ أَهْلِ الْجَنَّةِ فَيَعْرِضُ حُبَّنَا عَلَى قَلْبِهِ فَإِنْ قَبِلَهُ فَهُوَ مُؤْمِنٌ وَمَنْ كَانَ لَنَا مُحِبّاً فَلْيَرْغَبْ فِي زِيَارَةِ قَبْرِ الْحُسَيْنِ ع فَمَنْ كَانَ لِلْحُسَيْنِ ع زَوَّاراً عَرَفْنَاهُ بِالْحُبِّ لَنَا أَهْلَ الْبَيْتِ وَكَانَ مِنْ أَهْلِ الْجَنَّةِ وَمَنْ لَمْ يَكُنْ لِلْحُسَيْنِ زَوَّاراً كَانَ نَاقِصَ الْإِيمَانِ
« Celui qui souhaite savoir s’il fait partie des gens du Paradis, qu’il expose notre amour à son cœur. Si son cœur l’accepte, il est croyant. Quant à celui qui nous aime, qu’il aspire à visiter la tombe d’al-Ḥusayn (as). En effet, quiconque est un visiteur (zā’ir) d’al-Husayn (as), nous le reconnaissons par l’amour qu’il porte envers nous, et il fait partie des gens du Paradis. Quant à celui qui ne visite pas al-Husayn (as), sa foi (īmān) est incomplète. »[1]
Ce brûlant et profond désir de se rendre à Karbalāʾ est considéré comme un signe manifeste de la sincérité et de la proximité spirituelle. L’attirance envers la ziyāra reflète la lumière de la foi et l’espérance de l’agrément divin.
L’Imām al-Ṣādiq (as) a également rapporté :
مَنْ أَرَادَ اَللَّهُ بِهِ اَلْخَيْرَ قَذَفَ فِي قَلْبِهِ حُبَّ اَلْحُسَيْنِ عَلَيْهِ اَلسَّلاَمُ وَحُبَّ زِيَارَتِهِ وَمَنْ أَرَادَ اَللَّهُ بِهِ اَلسُّوءَ قَذَفَ فِي قَلْبِهِ بُغْضَ اَلْحُسَيْنِ وَبُغْضَ زِيَارَتِهِ
« Celui à qui Allah (swt) veut accorder le bien, Il insuffle dans son cœur l’amour d’al-Ḥusayn (as) et l’amour de sa ziyāra. Et celui pour qui Allah (swt) veut le mal, Il laisse pénétrer dans son cœur l’aversion pour al-Ḥusayn (as) et l’aversion pour sa ziyāra. »[2]
Ces enseignements rappellent que l’élan du cœur vers la ziyāra est à la fois un signe de bénédiction divine, une preuve de l’authenticité de la foi et une aspiration noble à l’agrément d’Allah (swt). Celui qui nourrit ce désir sincère porte en lui la lumière de l’īmān (la foi) et l’espoir de se compter parmi les amis rapprochés de l’Imām (as).
La prière et l’invocation de l’Imām al-Ṣādiq (as) pour les visiteurs de la tombe de l’Imām al-Ḥusayn (as)
Le mérite exceptionnel des visiteurs de la tombe de l’Imām al-Ḥusayn (as) est magnifié dans l’invocation rapportée par Muʿāwiya ibn Wahb. Il raconte :
« Je suis entré auprès d’Abā ʿAbdillāh [al-Ṣādiq] (as), alors qu’il se trouvait dans son miḥrāb (espace de prière). Je me suis assis en attendant qu’il termine sa prière. Je l’entendis alors converser avec son Seigneur et dire :
یَا مَنْ خَصَّنَا بِالْکَرَامَةِ وَوَعَدَنَا الشَّفَاعَةَ وَحَمَّلَنَا الرِّسَالَةَ وَجَعَلَنَا وَرَثَةَ الْاَنْبِیَاءِ وَخَتَمَ بِنَا الْاُمَمَ السَّالِفَةَ وَخَصَّنَا بِالْوَصِیَّةِ وَاَعْطَانَا عِلْمَ مَا مَضَی وَعِلْمَ مَا بَقِیَ وَجَعَلَ اَفْئِدَةً مِنَ النَّاسِ تَهْوِی اِلَیْنَا اغْفِرْ لِی وَلِاِخْوَانِی وَزُوَّارِ قَبْرِ اَبِی عَبْدِ اللَّهِ الْحُسَیْنِ بْنِ عَلِیٍّ’ الَّذِینَ اَنْفَقُوا اَمْوَالَهُمْ وَاَشْخَصُوا اَبْدَانَهُمْ رَغْبَةً فِی بِرِّنَا وَرَجَاءً لِمَا عِنْدَکَ فِی صِلَتِنَا وَسُرُوراً اَدْخَلُوهُ عَلَی نَبِیِّکَ مُحَمَّدٍ(صلیاللهعلیهوآلهوسلّم) وَاِجَابَةً مِنْهُمْ لِاَمْرِنَا وَغَیْظاً اَدْخَلُوهُ عَلَی عَدُوِّنَا اَرَادُوا بِذَلِکَ رِضْوَانَکَ فَکَافِهِمْ عَنَّا بِالرِّضْوَانِ
“Ô Toi qui nous as distingués par la noblesse (karāma), qui nous as promis l’intercession (shafāʿa), qui nous as confié le message (risāla), qui as fait de nous les héritiers des prophètes (anbiyāʾ), qui as achevé par nous les communautés passées, qui nous as accordé la waṣiyya (l’autorité et la succession), qui nous as donné la connaissance de ce qui est passé et de ce qui reste à venir, qui as fait que les cœurs (afʾida) de certains parmi Tes serviteurs se tournent vers nous…
Pardonne-moi ainsi qu’à mes frères et aux visiteurs de la tombe d’Aba ʿAbdillāh al-Ḥusayn b. ʿAlī (as), ceux qui ont dépensé leurs biens et qui ont entrepris le voyage physiquement, mus par le désir de notre bienveillance et l’espérance de ce qu’il y a auprès de Toi, pour leur attachement à nous, par la joie qu’ils ont procurée à Ton Prophète Muḥammad (saw), en répondant à notre appel et en causant la déception de nos ennemis. Ils ont recherché par cela Ton agrément. Récompense-les donc de notre part par Ta satisfaction (Riḍwān).
L’Imām poursuivit ensuite :
اللَّهُمَّ اِنَّ اَعْدَاءَنَا اَعَابُوا عَلَیْهِمْ خُرُوجَهُمْ فَلَمْ یَنْهَهُمْ ذَلِکَ عَنِ النُّهُوضِ وَالشُّخُوصِ اِلَیْنَا خِلَافاً عَلَیْهِمْ فَارْحَمْ تِلْکَ الْوُجُوهَ الَّتِی غَیَّرَتْهَا الشَّمْسُ وَارْحَمْ تِلْکَ الْخُدُودَ الَّتِی تَقَلَّبَتْ عَلَی قَبْرِ اَبِی عَبْدِ اللَّهِ الْحُسَیْنِ (علیهالسّلام) وَارْحَمْ تِلْکَ الْعُیُونَ الَّتِی جَرَتْ دُمُوعُهَا رَحْمَةً لَنَا وَارْحَمْ تِلْکَ الْقُلُوبَ الَّتِی جَزِعَتْ وَاحْتَرَقَتْ لَنَا وَارْحَمْ تِلْکَ الصَّرْخَةَ الَّتِی کَانَتْ لَنَا
Ô Allah ! Nos ennemis ont critiqué leur départ, mais cela ne les a pas dissuadés de se lever et de se mettre en route vers nous, en opposition à eux.
Fais-donc miséricorde à ces visages que le soleil a altérés, fais miséricorde à ces joues qui se sont posées sur la tombe d’Aba ʿAbdillāh al-Ḥusayn (as). Fais miséricorde à ces yeux dont les larmes ont coulé par compassion pour nous, fais miséricorde à ces cœurs qui ont été saisis de chagrin et consumés pour nous. Et fais miséricorde à ces hurlements qui se sont élevés en notre faveur ! »
Enfin, il conclut par cette supplication pleine de sollicitude :
اللَّهُمَّ إِنِّي أَسْتَوْدِعُكَ تِلْكَ الْأَنْفُسَ وَتِلْكَ الْأَبْدَانَ حَتَّى تُرَوِّيَهُمْ مِنَ الْحَوْضِ يَوْمَ الْعَطَشِ
« Ô Allah ! Je Te confie ces âmes et ces corps, jusqu’à ce que Tu les désaltères au bassin (al-Ḥawḍ) le Jour de la Soif. » [3]
Ces invocations montrent la grandeur de ceux qui se déplacent pour rendre visite à l’Imām al-Ḥusayn (as). Leur voyage, leurs larmes et leur fidélité sont entourés de la miséricorde divine et de la prière des Ahl al-Bayt (as), qui garantissent à ces pèlerins une place d’honneur et un soutien incomparable au Jour de la Soif et du Jugement.
2. La prescription de l’Imām al-Bāqir (as) sur la ziyāra d’al-Ḥusayn (as) le jour de ʿĀshūrāʾ
Dans le recueil Kāmil al-Ziyārāt, un récit remarquable met en lumière le mérite exceptionnel de la ziyāra de l’Imām al-Ḥusayn (as) le jour de ʿĀshūrāʾ, même pour ceux qui, pour des raisons diverses, n’ont pas la possibilité d’être physiquement présents près de son noble tombeau à Karbalāʾ.
L’Imām al-Bāqir (as) recommande avant tout aux croyants de se rendre sur place, rappelant la récompense incomparable réservée à cet acte. Il rapporte :
مَن زارَ الحُسَینَ علیه السلام یَومَ عاشوراءَ حَتّی یَظَلَّ عِندَهُ باکِیاً، لَقِیَ اللَّهَ عَزَّ وجَلَّ یَومَ القِیامَةِ بِثَوابِ ألفَی ألفِ حَجَّةٍ، وألفَی ألفِ عُمرَةٍ، وألفَی ألفِ غَزوَةٍ، وثَوابُ کُلِّ حَجَّةٍ وعُمرَةٍ وغَزوَةٍ کَثَوابِ مَن حَجَّ وَاعتَمَرَ وغَزا مَعَ رَسولِ اللَّهِ صلی الله علیه و آله ومَعَ الأَئِمَّةِ الرّاشِدینَ علیهم السلام
« Quiconque visite al-Ḥusayn (as) le jour de ʿĀshūrāʾ et demeure auprès de lui en pleurant, rencontrera Allah (swt) le Jour de la Résurrection avec le mérite de deux millions[4] de pèlerinages (ḥajj), deux millions de ʿumra et deux millions de participations au combat (ghazwa). Et la récompense de chaque pèlerinage, chaque ʿumra et chaque expédition est égale à celle de celui qui les aurait accomplis avec le Messager d’Allah (saw) et les Imāms bien guidés (as). »[5]
Ce mérite prodigieux manifeste l’importance spirituelle et la centralité de la ziyāra du mausolée de l’Imām al-Ḥusayn (as) le jour de ʿĀshūrāʾ, comme expression suprême de l’amour et de la fidélité envers son message.
Dans une autre narration, l’Imām al-Ṣādiq (as) déclare encore :
مَنْ زَارَ الْحُسَيْنَ(ع) يَوْمَ عَاشُورَاءَ كَانَ كَمَنْ تَشَحَّطَ بِدَمِهِ بَيْنَ يَدَيْهِ
« Celui qui visite al-Ḥusayn (as) le jour de ʿĀshūrāʾ, est semblable à celui qui a été couvert de son propre sang [en se battant] à ses côtés. »
3. Que faire lorsque l’on ne peut se rendre à Karbalāʾ ?
Cependant, de nombreux amoureux vivent éloignés du sanctuaire béni et se trouvent privés de la grâce de se rendre physiquement à Karbalāʾ.
Le narrateur interrogea alors l’Imām al-Bāqir (as) sur la conduite à adopter dans ce cas :
قُلتُ: جُعِلتُ فِداکَ! فَما لِمَن کانَ فی بُعدِ البِلادِ وأقاصیها، ولَم یُمکِنهُ المَصیرُ إلَیه فِی ذلِکَ الیَومِ؟
« Je dis : « Que je sois sacrifié pour toi ! Que doit faire celui qui vit dans un pays lointain, aux confins des contrées, et qui ne peut se rendre auprès de lui ce jour-là ? »
L’Imām al-Bāqir (as) répondit en exposant des instructions précises :
قالَ: إذا کانَ ذلِکَ الیَومُ بَرَزَ إلَی الصَّحراءِ أو صَعِدَ سَطحاً مُرتَفِعاً فی دارِهِ، وأومَأَ إلَیهِ بِالسَّلامِ، وَاجتَهَدَ عَلی قاتِلِهِ بِالدُّعاءِ، وصَلّی بَعدَهُ رَکعَتَینِ، یَفعَلُ ذلِکَ فی صَدرِ النَّهارِ قَبلَ الزَّوالِ، ثُمَّ لَیَندُبُ الحُسَینَ علیه السلام ویَبکیهِ، ویَأمُرُ مَن فی دارِهِ بِالبُکاءِ عَلَیهِ، ویُقیمُ فی دارِهِ مُصیبَتَهُ بِإِظهارِ الجَزَعِ عَلَیهِ، ویَتَلاقَونَ بِالبُکاءِ بَعضُهُم بَعضاً بِمُصابِ الحُسَینِ علیه السلام
« Lorsqu’arrive le jour de ʿĀshūrāʾ, qu’il se rende dans un endroit désert ou qu’il monte sur le toit élevé de sa maison. Qu’il adresse alors son salut (salām) à al-Ḥusayn (as)[6], qu’il implore Allah (swt) avec ferveur contre ses assassins, puis qu’il accomplisse deux unités de prière. Qu’il fasse cela en début de journée, avant le zénith. Ensuite, qu’il récite des lamentations (nudba) sur al-Ḥusayn (as), qu’il pleure et qu’il ordonne à sa famille de pleurer avec lui. Qu’il organise chez lui la commémoration de sa tragédie en manifestant ouvertement sa plus grande tristesse (jazaʿ) et qu’ils s’unissent pour pleurer le malheur d’al-Husayn (as). » »[7]
La garantie du mérite spirituel
L’Imām al-Bāqir (as) conclut cet enseignement par une promesse qui suscita l’étonnement et la joie du narrateur :
فَأَنَا ضامِنٌ لَهُم إذا فَعَلوا ذلِکَ عَلَی اللَّهِ عز و جل جَمیعَ هذَا الثَّوابِ. فَقُلتُ: جُعِلتُ فِداکَ! وأنتَ الضّامِنُ لَهُم إذا فَعَلوا ذلِکَ وَالزَّعیمُ بِهِ؟ قالَ: أنَا الضّامِنُ لَهُم ذلِکَ وَالزَّعیمُ لِمَن فَعَلَ ذلِکَ
« Je suis le garant, devant Allah (swt), de [ceux qui sont éloignés du sanctuaire béni] : s’ils accomplissent ces actes, ils recevront l’intégralité de la récompense promise. »
Le narrateur, surpris par la grandeur de la promesse, interrogea de nouveau :
« Que je sois sacrifié pour toi ! Tu en es le garant et le responsable ?! »
Et l’Imām (as) réaffirma sans hésitation :
« Oui, je suis leur garant et leur témoin, pour quiconque agit ainsi. »[8]
Cette tradition extraordinaire souligne combien la commémoration sincère d’al-Ḥusayn (as), même à distance, est porteuse d’une lumière et d’un mérite incommensurables. Elle enseigne que l’absence physique ne prive pas le cœur d’être présent auprès de son Imām à Karbalāʾ si la sincérité, l’amour et la douleur se conjuguent.
La récitation de la Ziyārat ʿĀshūrāʾ
Après avoir exposé la manière de manifester le deuil même à distance, l’Imām al-Bāqir (as) transmit un enseignement d’une importance majeure sur la récitation de la ziyāra de l’Imām al-Ḥusayn (as) le jour de ʿĀshūrāʾ.
Il est rapporté de ʿAlqama ibn Muḥammad al-Ḥaḍramī :
قَالَ عَلْقَمَةُ بْنُ مُحَمَّدٍ الْحَضْرَمِيُّ فَقُلْتُ لِأَبِي جَعْفَرٍ (ع) عَلِّمْنِي دُعَاءً أَدْعُو بِهِ فِي ذَلِكَ الْيَوْمِ إِذَا أَنَا زُرْتُهُ مِنْ قَرِيبٍ وَ دُعَاءً أَدْعُو بِهِ إِذَا لَمْ أَزُرْهُ مِنْ قَرِيبٍ وَ أَوْمَأْتُ إِلَيْهِ مِنْ بُعْدِ الْبِلَادِ وَ مِنْ سَطْحِ دَارِي بِالسَّلَامِ
« Je dis à Abū Jaʿfar al-Bāqir (as) : » Enseigne-moi une invocation que je puisse réciter ce jour-là si je le visite de près, et une invocation que je puisse dire si je ne peux me rendre auprès de lui, mais que je lui adresse mon salut (salām) depuis un pays éloigné ou depuis le toit de ma maison. » »
C’est alors que l’Imām al-Bāqir (as) lui enseigna le texte de la ziyāra connue sous le nom de Ziyārat ʿĀshūrāʾ, en lui disant :
فَإِنَّكَ إِذَا قُلْتَ ذَلِكَ فَقَدْ دَعَوْتَ بِمَا يَدْعُو بِهِ مَنْ زَارَهُ مِنَ الْمَلَائِكَةِ، وَ كَتَبَ اللَّهُ لَكَ بِهَا أَلْفَ أَلْفِ حَسَنَةٍ وَ مَحَا عَنْكَ أَلْفَ أَلْفِ سَيِّئَةٍ، وَ رَفَعَ لَكَ مِائَةَ أَلْفِ دَرَجَةٍ، وَ كُنْتَ مِمَّنِ اسْتُشْهِدَ مَعَ الْحُسَيْنِ بْنِ عَلِيٍّ حَتَّى تُشَارِكَهُمْ فِي دَرَجَاتِهِمْ، وَلَا تُعْرَفُ إِلَّا فِي الشُّهَدَاءِ الَّذِينَ اسْتُشْهِدُوا مَعَهُ، وَ كَتَبَ لَكَ ثَوَابَ كُلِّ نَبِيٍّ وَ رَسُولٍ، وَ زِيَارَةِ مَنْ زَارَ الْحُسَيْنَ بْنَ عَلِيٍّ (ع) مُنْذُ يَوْمَ قُتِلَ
« [Ô ʿAlqama], sache que si tu prononces ces paroles, tu auras invoqué comme le font les anges qui le visitent. Allah (swt) inscrira pour toi un million de bonnes actions, effacera un million de péchés, et élèvera ton rang de cent mille degrés. Tu seras compté parmi ceux qui ont été martyrisés avec al-Ḥusayn ibn ʿAlī (as), de sorte que tu partageras leurs degrés, et tu ne seras reconnu parmi les martyrs tombés avec lui. Il t’écrira la récompense de chaque prophète et messager, et celle de la ziyāra de quiconque a visité al-Ḥusayn ibn ʿAlī (as) depuis le jour où il fut tué. »[9]
Il est à noter que la Ziyārat ʿĀshūrāʾ nous a également été transmise par l’Imām al-Ṣādiq (as). Dans son ouvrage Miṣbāḥ al-Mutahajjid, Shaykh al-Ṭūsī rapporte une précieuse narration de Ṣafwān b. Mihrān al-Jammāl. Il raconte que l’Imām al-Ṣādiq (as) se tourna en direction de Karbalāʾ, récita la Ziyārat ʿĀshūrāʾ complète avec cent malédictions (laʿn), cent salām, puis accomplit deux unités de prière après la ziyāra. Enfin, il récita la célèbre invocation commençant par « Yā Allāh, Yā Allāh… » connue sous le nom de Duʿāʾ ʿAlqama.[10]
La Ziyārat ʿĀshūrāʾ : un ḥadīth qudsī
Ce qui distingue encore davantage cette ziyāra, c’est sa nature particulière : contrairement aux autres ziyārā transmises par les Imāms (as), la Ziyārat ʿĀshūrāʾ est rapportée sous la forme d’un ḥadīth qudsī.[11] Les Imāms (as) la tiennent du Prophète (saw), à qui elle fut transmise par l’ange Jibrāʾīl (as), de la part d’Allah (swt).
L’Imām al-Ṣādiq (as) déclara à Ṣafwān b. Mihrān al-Jammāl :
یَا صَفْوَانُ وَجَدْتُ هَذِهِ الزِّیَارَةَ مَضْمُونَةً بِهَذَا الضَّمَانِ عَنْ أَبِی وَ أَبِی عَنْ أَبِیهِ عَلِیِّ بْنِ الْحُسَیْنِ ع مَضْمُوناً بِهَذَا الضَّمَانِ وَ الْحُسَیْنِ عَنْ أَخِیهِ الْحَسَنِ مَضْمُوناً بِهَذَا الضَّمَانِ وَ الْحَسَنِ عَنْ أَبِیهِ أَمِیرِ الْمُؤْمِنِینَ مَضْمُوناً بِهَذَا الضَّمَانِ وَ أَمِیرِ الْمُؤْمِنِینَ عَنْ رَسُولِ اللَّهِ ص مَضْمُوناً بِهَذَا الضَّمَانِ وَ رَسُولِ اللَّهِ ص عَنْ جَبْرَئِیلَ ع مَضْمُوناً بِهَذَا الضَّمَانِ وَ جَبْرَئِیلَ عَنِ اللَّهِ عَزَّ وَ جَلَّ مَضْمُوناً بِهَذَا الضَّمَانِ قَدْ آلَى اللَّهُ عَلَى نَفْسِهِ عَزَّ وَ جَلَّ أَنَّ مَنْ زَارَ الْحُسَیْنَ ع بِهَذِهِ الزِّیَارَةِ مِنْ قُرْبٍ أَوْ بُعْدٍ وَ دَعَا بِهَذَا الدُّعَاءِ قَبِلْتُ مِنْهُ زِیَارَتَهُ
« Ô Ṣafwān ! J’ai reçu cette ziyāra avec cette garantie de mon père, qui la tenait de son père, ʿAlī b. al-Ḥusayn (as), qui la tenait avec cette même garantie d’al-Ḥusayn (as), lequel la tenait de son frère al-Ḥasan (as), d’al-Ḥasan (as) de son père l’Émir des Croyants (as), de la part du Messager d’Allah (saw), de la part de Jibrāʾīl (as), et Jibrāʾīl (as) d’Allah (swt).
Allah (swt) a pris l’engagement sur Lui-même que quiconque visite al-Ḥusayn (as) avec cette ziyāra, qu’il soit proche ou éloigné, et récite cette supplication, J’accepterai sa visite […] »[12]
4. La manière de présenter ses condoléances le jour de ʿĀshūrāʾ
Dans Wasāʾil al-Shīʿa, il est rapporté que Mālik al-Juhanī interrogea l’Imām al-Bāqir (as) au sujet de la formule à employer pour se présenter mutuellement les condoléances le jour de ʿĀshūrāʾ :
فَكَيْفَ يُعَزِّي بَعْضُهُمْ بَعْضاً؟
« Comment doivent-ils se présenter les condoléances les uns aux autres ? »
L’Imām al-Bāqir (as) répondit en enseignant la formule suivante :
عَظَّمَ اللَّهُ أُجُورَنَا بِمُصَابِنَا بِالْحُسَيْنِ عَلَيْهِ السَّلَامُ، وَجَعَلَنَا وَإِيَّاكُمْ مِنَ الطَّالِبِينَ بِثَأْرِهِ مَعَ وَلِيِّهِ الْإِمَامِ الْمَهْدِيِّ مِنْ آلِ مُحَمَّدٍ صلى الله عليه وآله
« Qu’Allah (swt) rende grandiose notre rétribution pour [supporter] notre malheur [du martyre] d’al-Ḥusayn (as), et qu’Il fasse de nous et de vous ceux qui réclament sa vengeance aux côtés de Son allié, l’Imām al-Mahdī (ajfs), issu de la famille de Muḥammad (saw). »[13]
Le lien entre ʿĀshūrāʾ et l’attente du Mahdī (ajfs)
Le rappel du nom de l’Imām al-Mahdī (ajfs) dans cette formule souligne l’union profonde entre la commémoration du martyre d’al-Ḥusayn (as) et l’avènement du Qāʾim (ajfs), celui qui se lèvera pour réparer cette injustice.
Parmi ses nobles titres figure celui de Muntaqim (« celui qui vengera »), que de nombreux récits expliquent en détail.
Pourquoi le dernier Imām est-il appelé le Qāʾim ?
Dans Biḥār al-Anwār d’al-ʿAllāma al-Majlisī, il est rapporté qu’on demanda à l’Imām Muḥammad al-Bāqir (as) :
قَدْ سَأَلَهُ الثُّمَالِيُّ عَنْ عِلَّةِ تَسْمِيَةِ الْقَائِمِ قَائِماً لَمَّا قُتِلَ جَدِّي الْحُسَيْنُ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ ضَجَّتِ الْمَلَائِكَةُ إِلَى اللَّهِ عَزَّ وَجَلَّ بِالْبُكَاءِ وَ النَّحِيبِ، وَ قَالُوا: إِلَهَنَا وَ سَيِّدَنَا، أَ تَغْفُلُ عَمَّنْ قَتَلَ صَفْوَتَكَ وَ ابْنَ صَفْوَتِكَ، وَ خِيَرَتَكَ مِنْ خَلْقِكَ ؟! فَأَوْحَى اللَّهُ عَزَّ وَجَلَّ إِلَيْهِمْ: قَرُّوا مَلَائِكُتِي، فَوَعِزَّتِي وَ جَلَالِي لَأَنْتَقِمَنَّ مِنْهُمْ وَ لَوْ بَعْدَ حِينٍ. ثُمَّ كَشَفَ اللَّهُ عَزَّ وَجَلَّ عَنِ الْأَئِمَّةِ مِنْ وُلْدِ الْحُسَيْنِ عَلَيْهِ السَّلَامُ لِلْمَلَائِكَةِ، فَسُرَّتِ الْمَلَائِكَةُ بِذَلِكَ، فَإِذَا أَحَدُهُمْ قَائِمٌ يُصَلِّي، فَقَالَ اللَّهُ عَزَّ وَجَلَّ: بِذَلِكَ الْقَائِمِ أَنْتَقِمُ مِنْهُمْ
« Pourquoi le dernier des Imāms est-il appelé al-Qāʾim ? »
L’Imām (as) répondit :
« Quand mon grand-père al-Ḥusayn (as) fut tué, les anges se lamentèrent auprès d’Allah (swt) en pleurant et en poussant des cris de deuil. Ils dirent : “Notre Dieu et notre Maître, resteras-Tu indifférent envers ceux qui ont tué Ton élu, le fils de Ton élu, Ton préféré parmi Tes créatures ?”
Alors Allah (swt) leur révéla : “Rassurez-vous, ô Mes anges ! Par Ma puissance et Ma majesté, Je Me vengerai assurément d’eux, fût-ce au terme d’une longue durée.”
Puis Allah (swt) leva le voile et montra aux anges la lumière des Imāms issus de la descendance d’al-Ḥusayn (as). Les anges se réjouirent, et parmi eux, ils virent un Imām debout (Qāʾim) en prière. Allah (swt) dit : “Par ce Qāʾim, Je Me vengerai d’eux.” »[14]
Un verset coranique et sa relation avec l’Imām al-Mahdī (ajfs)
Ce sens est étroitement lié à l’exégèse du verset :
وَمَنْ قُتِلَ مَظْلُوماً فَقَدْ جَعَلْنَا لِوَلِيِّهِ سُلْطَاناً
« Quiconque est tué injustement, Nous avons accordé à son héritier un pouvoir contre l’oppresseur… »[15]
Il est rapporté dans Tafsīr al-Burhān, d’après l’Imām al-Ṣādiq (as) :
« Le “tué injustement” désigne al-Ḥusayn ibn ʿAlī (as), et “Son héritier” est l’Imām al-Mahdī (ajfs). »
De même, l’Imām al-Bāqir (as), dans Tafsīr al-ʿAyyāshī, précise :
« Il s’agit d’al-Ḥusayn ibn ʿAlī (as) qui fut tué injustement. Nous, Ahl al-Bayt (as), sommes ses héritiers et ses ayants-droits. Et lorsque le Qāʾim (ajfs) se lèvera parmi nous, il réclamera la vengeance du sang d’al-Ḥusayn (as). »[16]
Ces traditions mettent en lumière l’unité profonde entre le deuil d’al-Ḥusayn (as) et l’espérance active en l’avènement de l’Imām al-Mahdī (ajfs). Le partisan qui pleure ʿĀshūrāʾ, récite la formule de condoléances et renouvelle son attachement, il affirme ainsi sa fidélité à la cause de la justice et à l’attente du Qāʾim (ajfs). Ce dernier viendra alors accomplir la promesse divine : « Par Ma puissance et Ma majesté, Je Me vengerai assurément d’eux, fût-ce au terme d’une longue durée. »
5. La meilleure des actions à accomplir le jour de ʿĀshūrāʾ
Pour parachever cet exposé, une tradition majeure couronne ces enseignements. Une recommandation précieuse et fondamentale de l’Imām al-Ṣādiq (as) qui met en lumière la plus noble des actions qu’un croyant puisse accomplir en ce jour béni, afin d’unir son cœur, ses prières et ses actes à la cause d’al-Ḥusayn (as). Il s’adresse à ʿAbdullāh ibn Sinān en ces termes :
« Ô ʿAbdullāh ibn Sinān ! La meilleure des actions que tu puisses accomplir en ce jour… »
À suivre …
[1] Kāmil al-zīyārāt, vol. 1, p. 193.
[2] Kāmil al-zīyārāt, vol. 1, p. 142.
[3] al-Ṣadūq, Muḥammad b. ʿAlī, Thawāb al-aʿmāl wa ʿiqāb al-aʿmāl, pp. 94–95. Il est pertinent de souligner que, selon les spécialistes de la science du hadith, tous les narrateurs de cette chaîne de transmission sont réputés fiables et dignes de confiance (thiqa) : voir Muʿjam rijāl al-ḥadīth, vol. 12, p. 398 ; vol. 9, pp. 77–78 ; vol. 21, pp. 156–158 ; vol. 15, pp. 291–292 ; vol. 19, p. 244.
[4] NDT : L’expression deux mille mille est une formule destinée à souligner la grandeur inégalable et l’immensité innombrable de la récompense, et ne doit pas être comprise strictement dans un sens numérique limité.
[5] al-Ṭūsī, Miṣbāḥ al-mutahajjid, vol. 1, p. 772/536.
[6] Dans une autre narration (al-Kāfī, vol. 4, p. 587), l’Imām al-Ṣādiq (as) dit :
إِذَا بَعُدَتْ بِأَحَدِكُمُ الشُّقَّةُ وَنَأَتْ بِهِ الدَّارُ فَلْيَعْلُ أَعْلَى مَنْزِلِهِ وَلْيُصَلِّ رَكْعَتَيْنِ وَلْيُؤْمِ بِالسَّلَامِ إِلَى قُبُورِنَا فَإِنَّ ذَلِكَ يَصِلُ إِلَيْنَا
« Si la distance est trop grande pour l’un d’entre vous et que sa demeure est trop éloignée, qu’il monte à l’endroit le plus élevé de sa maison, qu’il accomplisse deux unités de prière et qu’il adresse la salutation (salām) vers nos tombes. Cela nous parvient assurément. ».
[7] Kāmil al-zīyārāt, vol. 1, p. 326/174.
[8] Kāmil al-zīyārāt, vol. 1, p. 326/174.
[9] Kāmil al-zīyārāt, vol. 1, p. 326/174.
[10] al-Ṭūsī, Miṣbāḥ al-mutahajjid, vol. 1, p. 777.
[11] Tout propos divin ne figurant pas dans le Coran est appelé ḥadīth qudsī (Akhlāq-i islāmī dar Nahj al-balāgha, Khuṭbat al-muttaqīn, vol. 1, p. 144).
[12] al-Ṭūsī, Miṣbāḥ al-mutahajjid, vol. 1, p. 781.
[13] al-Ṭūsī, Miṣbāḥ al-mutahajjid, vol. 1, p. 772.
[14] Biḥār al-anwār, vol. 51, p. 28.
[15] Le Saint Coran, Sourate al-Isra (17), Verset 33.
[16] Tafsīr al-Burhān, vol. 4, p. 559.
