Question détaillée :
J’ai une question concernant le Tafseer e Ayyashi (volume 2, page 287), où Abdullah bin Jundub rapporte que l’Imam Raza (a.s.) a dit : « … Et ils sont ceux qui déduisent du Coran, qui savent ce qui est permis et ce qui est interdit, et qui sont les preuves de Dieu pour Sa création (Ahlul Bayt ou Imams (a.s.)). » Ainsi, le droit de déduire les règles de la jurisprudence (fiqh) appartient uniquement aux Ma’soumīn (a.s.). Dans ce cas, la dérivation des règles par les Marj’as est-elle correcte ou légitime ?
Réponse :
Les Ahl al-Bayt (as) sont les interprètes les plus légitimes et les plus compétents du Coran. Ils en incarnent l’esprit et en sont l’expression vivante, à tel point que l’on parle d’eux comme du « Coran parlant », capable d’expliquer et de clarifier le « Coran silencieux » à la communauté musulmane.
Toutefois, en l’absence des Imāms (as), notamment durant la période de l’occultation (ghayba), les textes rapportés, ainsi que les faits historiques, montrent de manière claire que la guidance religieuse doit être assurée par les mujtahidīn – c’est-à-dire les juristes experts habilités à exercer l’ijtihād, l’effort de déduction juridique à partir des sources fondamentales de l’islam.
Parmi les textes fondamentaux à ce sujet figure la célèbre réponse de l’Imām al-Mahdī (aj), rapportée par Shaykh Ṣadūq dans Ikmāl al-Dīn, dans laquelle l’Imām écrit à Isḥāq ibn Yaʿqūb :
أمّا الحوادث الواقعة فارجعوا فيها إلى رواة حديثنا، فإنهم حجّتي عليكم وأنا حجّة الله عليهم
« En ce qui concerne les événements qui surviendront, référez-vous aux transmetteurs de nos traditions, car ils sont ma preuve sur vous, et je suis la preuve de Dieu sur eux. »
Cette directive ne peut viser les Imāms eux-mêmes, car l’Imām al-Mahdī (aj) est en occultation, ce qui rend toute interaction directe impossible. Elle désigne donc les savants qualifiés, capables d’extraire les règles religieuses à partir du Coran et de la Sunna – des mujtahidīn, et non de simples rapporteurs de traditions (muḥaddithūn).
Un autre ḥadīth rapporté par l’Imām ʿAlī (as), citant le Prophète (saw), soutient cette position. Le Prophète aurait dit :
اللهم ارحم خلفائي
« Ô Allah, accorde Ta miséricorde à mes successeurs. »
À la question de savoir qui sont ces « successeurs », le Prophète (saw) a répondu :
الذين يأتون من بعدي يروون حديثي وسنتي
« Ceux qui viendront après moi et transmettront mes traditions et ma Sunna. »
Ce terme désigne ici des savants aptes à discerner l’authenticité et l’application des traditions, et non des narrateurs passifs. En effet, seule une personne ayant atteint un haut degré de compétence en jurisprudence (fuqahāʾ – jurisconsultes) peut distinguer une narration fiable, en extraire la règle correcte et l’appliquer dans un contexte donné.
Pratique historique et appui des Imāms
Les Imāms (as) envoyaient eux-mêmes leurs étudiants former et guider les croyants dans les régions éloignées. Ces étudiants, formés directement par les Imāms, possédaient les connaissances nécessaires pour répondre aux questions juridiques des fidèles. De même, à notre époque, en l’absence d’un accès direct à l’Imām, il serait inconcevable de suivre correctement l’islam sans que les mujtahidīn puissent déduire et formuler des fatāwā à partir des sources.
Un exemple marquant à cet égard est rapporté par al-Marḥūm Ṭankābūnī au sujet du Shaykh al-Mufīd. Un homme s’était adressé à lui pour résoudre un cas complexe : une femme enceinte était décédée alors que son enfant était encore vivant dans son ventre. Devait-on extraire l’enfant avant d’enterrer la mère ? Le Shaykh répondit d’abord que la mère devait être enterrée avec l’enfant. Mais sur le chemin du retour, un cavalier l’arrêta et lui donna une instruction différente :
“Shaikh Mufid a dit que le fœtus devait être retiré de l’utérus par chirurgie, puis que la femme devait être enterrée seule.”
Lorsqu’il rapporta l’incident à Shaykh al-Mufīd, celui-ci déclara ne pas avoir envoyé de messager, laissant entendre que c’était vraisemblablement l’Imām al-Mahdī (aj) lui-même qui était intervenu. Profondément troublé par son erreur initiale, Shaykh al-Mufīd renonça à sa fonction de marjaʿ et cessa de répondre aux questions juridiques. Mais peu après, il reçut une lettre de l’Imām (aj) affirmant :
« Tu émets des décrets juridiques, et Nous t’en préserverons des fautes. Nous ne t’abandonnerons pas. »
Sur cette base, il reprit ses fonctions, prouvant que les mujtahidīn bénéficient du soutien divin lorsqu’ils remplissent leur devoir avec sincérité.
Les fondements de l’ijtihād
Les mujtahidīn déduisent les lois religieuses en s’appuyant sur quatre sources principales :
- Le Coran
 - La Sunna (les traditions du Prophète et des Imāms)
 - L’Ijmāʿ (consensus)
 - L’ʿAql (raison ou intellect sain)
 
Bien qu’étant humains et faillibles, leur effort intellectuel sincère est reconnu par la tradition. Le Prophète (saw) a déclaré :
« Le mujtahid qui atteint la vérité reçoit deux récompenses, et celui qui se trompe, bien qu’il ait déployé tous ses efforts, reçoit une récompense. »
La responsabilité du muqallid
Ainsi, le croyant (muqallid) a le devoir de suivre le mujtahid le plus compétent (aʿlam). Tant qu’il suit une fatwā légitime, même si elle s’avère erronée, il n’est pas blâmé. Si des conséquences négatives en résultent, Allah (swt) le compensera, car la responsabilité incombe au savant, et non au suiveur sincère.
Syed Haider
