Institut de recherche Ḥaḍrat Walī al-ʿAṣr (aj)[1]
Les épreuves qui sauvent : Voyage de l’âme vers le pardon
Introduction
Dans l’étude précédente, nous avons examiné la portée du pardon des péchés promis à ceux qui pleurent pour l’Imām al-Ḥusayn (as), ainsi que les fondements scripturaires et doctrinaux qui soutiennent cette croyance au sein de la tradition chiite. Nous avons également clarifié que, loin d’être une faveur illimitée et inconditionnelle, ce pardon se réalise dans le cadre d’une justice divine parfaite, qui distingue entre les droits d’Allah (swt) et ceux des créatures (ḥaqq al-nās).
Afin de mieux comprendre cette articulation subtile entre miséricorde et équité, cette deuxième partie propose d’approfondir la question du processus graduel de purification auquel le croyant est soumis avant de bénéficier pleinement de l’intercession (shafāʿa).
Nous présenterons les différentes étapes mentionnées dans les traditions : les épreuves de la vie terrestre, les afflictions du Jour du Jugement et, pour les fautes les plus lourdes, le passage temporaire par le châtiment de l’au-delà. Nous verrons enfin comment ces épreuves permettent de réparer les torts commis, notamment ceux qui relèvent des droits d’autrui, et de préparer l’âme à recevoir la miséricorde finale par l’intermédiaire des Ahl al-Bayt (as).
1. L’intercession : un processus graduel de purification
Loin d’être instantanée, l’intercession suit une logique de purification progressive. Elle est précédée – ou accompagnée – d’étapes douloureuses, mais salvatrices, destinées à laver l’âme des souillures causées par les péchés.
Selon les narrations, cette purification peut s’opérer à travers trois grandes étapes :
a. Les épreuves de la vie terrestre
Certains croyants sont purifiés dès le monde d’ici-bas par des épreuves telles que la pauvreté, la maladie, les injustices ou la perte d’être cher, de biens ou de statut social.
b. Les épreuves du Jour du Jugement
Pour d’autres, la purification se manifeste à travers l’attente, les angoisses et la terreur de cette redoutable étape du Jour du Jugement, jusqu’à ce que l’intercession s’accomplisse.
c. Un châtiment temporaire dans l’au-delà
Enfin, pour les cas plus graves, un passage limité en Enfer peut s’avérer nécessaire afin de parfaire la purification avant l’entrée définitive au Paradis.
2. Le droit des gens (ḥaqq al-nās) et l’intercession des Ahl al-Bayt (as)
Les pleurs versés pour l’Imām al-Ḥusayn (as), aussi sincères et méritoires soient-ils, n’effacent pas systématiquement les fautes liées aux droits d’autrui.
La tradition chiite enseigne que la miséricorde divine et l’intercession des Imāms (as) n’annulent pas la justice d’Allah (swt). Ainsi, certains croyants, malgré leur attachement profond aux Ahl al-Bayt (as), devront répondre des torts causés aux autres.
2.1. Une purification préalable nécessaire
Il arrive que les croyants fidèles aux Ahl al-Bayt (as), bien qu’ayant manifesté leur amour par les larmes versées lors des majālis, aient aussi causé du tort à leurs frères en foi. Ces fautes relèvent du ḥaqq al-nās — c’est-à-dire des droits des créatures — et nécessitent réparation.
Toutefois, pour bon nombre de ces péchés, cette purification peut s’opérer par des épreuves dans ce monde.
Un ḥadīth rapporté dans al-Kāfī illustre cela :
عدة من أصحابنا ، عن أحمد بن محمد بن خالد ، عن الحسن بن علي بن فضال ، عن إبراهيم بن محمد الأشعري ، عن أبان بن عبد الملك ، عن أبي عبد الله ( عليه السلام ) أنه قال : لا تبدي الشماتة لأخيك فيرحمه الله و يصيرها بك و قال : من شمت بمصيبة نزلت بأخيه لم يخرج من الدنيا حتى يفتتن
« Un groupe de nos compagnons a rapporté de Aḥmad b. Muḥammad b. Khālid, de al-Ḥasan b. ʿAlī b. Faḍḍāl, de Ibrāhīm b. Muḥammad al-Ashʿarī, de Abān b. ʿAbd al-Malik, d’après Abā ʿAbdillāh, al-Sādiq (as), que ce dernier a dit :
Ne manifeste jamais ta joie face à l’épreuve qui frappe ton frère croyant [dans ce monde], car il se peut qu’Allah (swt) lui fasse miséricorde et te fasse goûter, à ton tour, à ce que tu as méprisé.
Il ajouta : Celui qui se réjouit du malheur qui atteint son frère croyant ne quittera pas ce monde sans en être éprouvé lui-même. »[2]
Cette attitude — la joie face au malheur des autres — est une faute morale qui blesse profondément le cœur d’un croyant et constitue un préjudice envers lui (ḥaqq al-nās), dont le pardon ne peut avoir lieu que si la victime elle-même le lui accorde.
Dans le cas contraire, si la personne lésée refuse de pardonner, Allah (swt) soumettra le fautif à une épreuve équivalente dans ce monde, afin qu’il subisse à son tour une douleur comparable.
Par cette souffrance, le tort causé sera réparé, et la charge du ḥaqq al-nās levée, rendant ainsi possible l’intercession des Ahl al-Bayt (as) en sa faveur et son entrée au Paradis. Une telle forme de réparation n’est en rien contraire à la justice d’Allah (swt).
2.2. Le Jour du Jugement : un lieu de restitution
Le Noble Coran, à propos de la durée du Jour du Jugement, déclare :
كَانَ مِقْدَارُهُ خَمْسِينَ أَلْفَ سَنَة
« Un jour dont la durée sera de cinquante mille ans. »[3]
Compte tenu de l’extrême longueur de cette journée, certains amoureux des Ahl al-Bayt (as), en fonction des péchés ou des vices auxquels ils se sont adonnés en ce monde, resteront un certain temps dans l’attente et l’affliction au Jour du Jugement. Ce n’est qu’après avoir été purifiés de leurs fautes ou de leurs traits moraux corrompus qu’ils pourront entrer au Paradis.
Si ces péchés incluent des atteintes aux droits d’autrui, Allah (swt) réconciliera les personnes lésées en les gratifiant des bonnes actions de celui qui a fauté. Ce n’est qu’après avoir enduré la souffrance et l’attente, que ce dernier accédera au Paradis.
Par exemple, la médisance (ghība) fait partie des péchés liés aux droits des autres.
À ce sujet, Saʿīd b. Jubayr rapporte du Saint Prophète (saw) qu’il a dit :
عن سعيد بن جبير، عن النبي صلى الله عليه وآله أنه قال : يؤتى بأحد يوم القيامة، يوقف بين يدي الله، ويدفع إليه كتابه، فلا يرى حسناته، فيقول : إلهي، ليس هذا كتابي، فإني لا أرى فيها طاعتي. فيقال : إن ربك لا يضل ولا ينسى، ذهب عملك باغتياب الناس. ثم يؤتى بآخر، ويدفع إليه كتابه، فيرى فيه طاعات كثيرة، فيقول : إلهي، ما هذا كتابي، فإني ما عملت هذه الطاعات. فيقال : إن فلانا اغتابك، فدفعت حسناته إليك
« Au Jour du Jugement, une personne sera amenée devant Allah (swt), et on lui remettra son registre. En le consultant, elle n’y verra aucune de ses bonnes actions.
Elle dira alors : “Seigneur ! Ce registre n’est pas le mien, car je n’y vois aucune de mes adorations.”
Il lui sera répondu : “Ton Seigneur ne se trompe pas et n’oublie rien. Tes bonnes actions ont été perdues à cause de ta médisance envers les gens.”
Puis une autre personne sera présentée, et son registre lui sera remis. En le consultant, elle y trouvera de nombreuses œuvres pieuses.
Elle dira : “Seigneur ! Ce n’est pas mon registre, car je n’ai pas accompli toutes ces adorations.”
Allah (swt) lui répondra : “Un tel a médit de toi ; c’est pourquoi ses bonnes actions t’ont été attribuées.” »[4]
Selon ce ḥadīth, dans le cas de péchés tels que la médisance – qui relèvent des droits des gens -, le pardon divin n’intervient qu’à condition que la personne calomniée accorde son pardon.
Or, pour satisfaire la personne lésée et pour être juste, Allah (swt), en fonction de la nature et de l’ampleur de la médisance, retire une partie des bonnes actions de celui qui a médit et les ajoute au compte de celui qui en a été victime.
Ainsi, le péché de médisance est compensé, puis effacé, et le médisant – grâce à ses larmes versées pour l’Imām al-Ḥusayn (as) – sera finalement admis au Paradis.
Cependant, du fait de la diminution de ses bonnes œuvres, il y accédera naturellement avec un rang spirituel inférieur.
2.3. Quand la miséricorde passe par la justice
Dans les cas plus graves, certains croyants attachés aux Ahl al-Bayt (as) ne seront purifiés ni par les épreuves de ce monde, ni par l’attente du Jour du Jugement. Ils connaîtront un passage temporaire en enfer, proportionné à la gravité de leurs fautes, avant que l’intercession ne les fasse entrer au Paradis.
À ce sujet, un ḥadīth rapporté de l’Emir des Croyants, l’Imām ʿAlī b. Abī Ṭālib (as) attire l’attention quant à la manière dont s’applique l’intercession en faveur des pécheurs parmi les amoureux des Ahl al-Bayt (as).
و قال علي بن أبي طالب عليه السلام : يا معشر شيعتنا اتقوا الله واحذروا أن تكونوا لتلك النار حطبا ، وإن لم تكونوا بالله كافرين ، فتوقوها بتوقي ظلم إخوانكم المؤمنين ، فإنه ليس من مؤمن ظلم أخاه المؤمن المشارك له في موالاتنا إلا ثقل الله في تلك النار سلاسله وأغلاله ، ولم يفكه منها إلا شفاعتنا ، ولن نشفع إلى الله تعالى إلا بعد أن نشفع له إلى أخيه المؤمن ، فان عفا عنه شفعنا [ له ] وإلا طال في النار مكثه
L’Imām ʿAlī b. Abī Ṭālib (as) a dit : « Ô nos chiites ! Craignez Allah et prenez garde de devenir le combustible du Feu, même si vous n’êtes pas mécréants envers Allah.
Préservez-vous de l’Enfer en vous abstenant d’injustices envers vos frères croyants.
En vérité, tout croyant qui lèse un autre croyant partageant avec lui notre wilāya, Allah alourdira ses chaînes et ses entraves dans le Feu.
Rien ne pourra l’en délivrer, sauf notre intercession.
Mais nous n’intercéderons pour lui auprès d’Allah (swt) qu’après avoir sollicité le pardon de son frère croyant (celui qu’il a lésé dans ce monde).
Si ce dernier lui pardonne, alors nous intercéderons pour lui.
Mais s’il refuse de lui pardonner, alors son séjour dans le Feu sera prolongé.»[5]
2.4. Une sélection de récits illustrant le cheminement vers le salut malgré les fautes
Concernant le pardon des péchés des amoureux des Ahl al-Bayt (as) et le processus de l’intercession par ces derniers, plusieurs narrations ont été rapportées.
Nous allons en présenter ici une sélection représentative :
A. Première narration
و قال رجل لامرأته : اذهبي إلى فاطمة بنت رسول الله صلى الله عليه وآله فاسأليها عني أني من شيعتكم أم ليس من شيعتكم ؟ فسألتها فقالت : قولي له : إن كنت تعمل بما أمرناك ، و تنتهي عما زجرناك عنه ، فأنت من شيعتنا وإلا فلا ، فرجعت فأخبرته فقال : يا ويلي و من ينفك من الذنوب والخطايا ، فأنا إذا خالد في النار ، فان من ليس من شيعتهم فهو خالد في النار . فرجعت المرأة فقالت لفاطمة ما قال زوجها ، فقالت فاطمة : قولي له : ليس هكذا ، شيعتنا من خيار أهل الجنة وكل محبينا وموالي أوليائنا و معادي أعداءنا و المسلم بقلبه و لسانه لنا ليسوا من شيعتنا إذا خالفوا أوامرنا و نواهينا في سائر الموبقات و هم مع ذلك في الجنة ، و لكن بعد ما يطهرون من ذنوبهم بالبلايا و الرزايا أو في عرصات القيامة بأنواع شدائدها أو في الطبق الاعلى من جهنم بعذابها إلى أن نستنقذهم بحبنا منها و ننقلهم إلى حضرتنا
Un homme dit un jour à son épouse :
« Va auprès de Fāṭima (sa), la fille du Messager d’Allah (saw), et demande-lui si je fais partie de vos chiites ou non. »
Son épouse se rendit alors auprès de Fāṭima al-Zahrāʾ (sa) et l’interrogea à ce sujet.
Fāṭima (sa) répondit :
« Dis à ton mari : Si tu agis selon ce que nous t’avons ordonné, et si tu t’abstiens de ce que nous t’avons interdit, alors tu fais partie de nos chiites. Sinon, tu ne l’es pas. »
La femme rapporta ces paroles à son mari. Celui-ci dit :
« Malheur à moi ! Qui peut se prétendre totalement préservé des péchés et des fautes ? Si c’est ainsi, je serai voué au Feu éternel, car celui qui n’est pas des leurs (les Ahl al-Bayt) demeurera à jamais en enfer. »
La femme retourna alors auprès de Fāṭima (sa) et lui transmit les propos de son époux.
Fāṭima (sa) répondit :
« Dis-lui : Ce n’est pas ainsi qu’il faut comprendre la chose. Nos chiites font partie des meilleurs habitants du Paradis.
Quant à ceux qui nous aiment, qui aiment nos alliés, qui s’opposent à nos ennemis, et qui nous reconnaissent avec leur cœur et leur langue, mais transgressent nos ordres et interdits, ils ne sont pas considérés comme nos chiites à proprement dit.
Néanmoins, ils seront tout de même avec nous au Paradis, mais seulement après avoir été pleinement purifiés de tous leurs péchés, soit par les épreuves et les malheurs de ce monde, soit par les afflictions du Jour du Jugement ou encore par un séjour dans les couches supérieures de l’enfer, où ils seront purifiés par le châtiment, jusqu’à ce que, par l’amour qu’ils nous portent, nous les en délivrions et les fassions entrer en notre présence au Paradis. »[6]
B. Deuxième groupe de narrations
حدثنا أبو علي أحمد بن أبي جعفر البيهقي بفيد بعد منصرفي من حج بيت الله الحرام في سنة أربع وخمسين وثلاثمأة قال حدثنا علي بن جعفر المدني قال حدثني علي بن محمد بن مهرويه القزويني قال حدثني داود ابن سليمان قال حدثني علي بن موسى الرضا عليه السلام عن أبيه عن موسى بن جعفر عن أبيه جعفر بن محمد عن أبيه محمد بن علي عن أبيه علي بن الحسين عن أبيه الحسين بن علي عن أبيه علي بن أبي طالب عليه السلام قال قال رسول الله إذا كان يوم القيامة علينا حساب شيعتنا فمن كانت مظلمته فيما بينه و بين الله عز وجل حكمنا فيها فأجابنا و من كانت مظلمته فيما بينه و بين الناس استوهبناها فوهبت لنا و من كانت مظلمته بينه و بيننا كنا أحق ممن عفى و صفح
Après mon retour du pèlerinage à la Maison sacrée d’Allah en l’an 354, Abū ʿAlī Aḥmad b. Abī Jaʿfar al-Bayhaqī me rapporta, dans la région de Fayd (sur la route de la Mecque), que ʿAlī b. Jaʿfar al-Madanī lui avait dit :
ʿAlī b. Muḥammad b. Mahrawayh al-Qazwīnī m’a rapporté de Dāwūd b. Sulaymān, qui a rapporté de ʿAlī b. Mūsā al-Riḍā (as), d’après son père Mūsā b. Jaʿfar, de son père Jaʿfar b. Muḥammad, de son père Muḥammad b. ʿAlī, de son père ʿAlī b. al-Ḥusayn, de son père al-Ḥusayn b. ʿAlī, de son père ʿAlī b. Abī Ṭālib (as), lequel a dit que le Messager d’Allah (saw) a déclaré :
« Lorsque le Jour du Jugement sera établi, le règlement du compte de nos chiites sera à notre charge.
Celui dont la faute relève de sa relation avec Allah (swt), nous la prendrons en charge, et Allah agréera notre jugement.
Celui dont la faute concerne ses rapports avec les gens, nous demanderons le pardon en sa faveur, et il nous sera accordé.
Quant à celui dont la faute concerne sa relation avec nous, les Ahl al-Bayt, alors nous sommes les mieux placés pour lui pardonner. »[7]
Dans le même sens, un autre ḥadīth rapporte une discussion entre Qabīṣa et l’Imām al-Ṣādiq (as), au sujet d’un verset du Coran :
أسألك عن قول الله تعالى : ( إن إلينا إيابهم ثم إن علينا حسابهم )؟ قال : فينا التنزيل . قال : قلت : إنما أسألك عن التفسير . قال : نعم يا قبيصة إذا كان يوم القيامة جعل الله حساب شيعتنا علينا فما كان بينهم و بين الله استوهبه محمد صلى الله عليه وآله و سلم من الله و ما كان فيما بينهم و بين الناس من المظالم أداه محمد صلى الله عليه وآله عنهم و ما كان فيما بيننا و بينهم وهبناه لهم حتى يدخلون الجنة بغير حساب
« Qabīṣa dit à l’Imām al-Ṣādiq (as) : Je vous interroge au sujet de ce verset :
“C’est assurément vers Nous qu’ils reviendront ; puis c’est à Nous que reviendra leur jugement.”[8]
L’Imām (as) répondit : Ce verset a été révélé à notre sujet.
Je lui dis : Je souhaite connaître son interprétation.
Il répondit : Oui, ô Qabīṣa ! Lorsque le Jour du Jugement se lèvera, Allah confiera à notre charge le jugement de nos chiites.
Les fautes qu’ils auront commises envers Allah (swt), c’est le Messager d’Allah (saw) qui les leur pardonnera.
Les dettes et les atteintes aux droits d’autrui (ḥaqq al-nās) – que nos chiites auront contractées envers d’autres -, le Prophète (saw) les réglera en leur nom.
Et ce qui relèvera de nos droits à nous, les Ahl al-Bayt (as), nous y renoncerons volontairement en leur faveur.
Ainsi, ils entreront au Paradis sans avoir à rendre de comptes. »[9]
L’éminent ʿAllāma al-Majlisī rapporte, d’après Sayyid Ibn Ṭāwūs, un passage de la supplication de l’Imām al-Mahdī (ajfs) – que nos âmes soient sacrifiées pour lui -, dans laquelle on peut lire :
نقل عن ابن طاوس رحمه الله أنه سمع سحرا في السرداب عن صاحب الأمر عليه السلام أنه يقول : اللهم إن شيعتنا خلقت من شعاع أنوارنا و بقية طينتنا و قد فعلوا ذنوبا كثيرة اتكالا على حبنا و ولايتنا فان كانت ذنوبهم بينك وبينهم فاصفح عنهم فقد رضينا و ما كان منها فيما بينهم فأصلح بينهم وقاص بها عن خمسنا و أدخلهم الجنة و زحزحهم عن النار و لا تجمع بينهم و بين أعدائنا في سخطك
« Sayyid Ibn Ṭāwūs (ra) relate qu’au cours d’un saḥar (à l’aube), dans la crypte sacrée (sardāb)[10], il entendit l’Imām al-Mahdī (ajfs) prononcer cette invocation :
“Ô mon Dieu, assurément, nos chiites ont été créés à partir du rayonnement de notre lumière et du reste de notre argile. Ils ont commis de nombreux péchés en comptant sur leur amour et leur attachement à notre wilāya. Si ces fautes relèvent de ce qui est entre Toi et eux, alors pardonne-les, car nous sommes satisfaits. Et si elles concernent ce qui les oppose les uns aux autres, alors réconcilie-les.
Quant aux compensations dues, prends-les sur notre part de khums. Fais-les entrer au Paradis, éloigne-les du Feu, et ne les réunis pas dans Ta colère avec nos ennemis. Ne les expose pas à Ton châtiment aux côtés de ceux qui nous haïssent. »[11]
Il convient de préciser que, dans ce ḥadīth, le terme « chiites » désigne encore les partisans au sens large, c’est-à-dire les amoureux et sympathisants des Ahl al-Bayt (as).
En effet, comme cela a été mentionné précédemment, les véritables chiites sont ceux qui s’abstiennent des péchés et de la désobéissance, et qui se montrent pleinement soumis à Allah (swt) et aux Ahl al-Bayt (as).
Dans les trois derniers ḥadīths évoqués, il est affirmé que les amoureux des Ahl al-Bayt (as), bien qu’ayant commis des péchés dans ce bas monde, bénéficieront de l’intercession des Imāms infaillibles (as) le Jour du Jugement, et finiront par entrer au Paradis.
Cependant, aucun de ces trois textes ne mentionne explicitement les étapes du processus d’intercession, à savoir :
- Les épreuves de la vie d’ici-bas,
- Les difficultés du Jour du Jugement,
- Un châtiment temporaire en enfer.
Ils se contentent d’indiquer un pardon et une entrée au Paradis. Il est donc possible que ces récits soient à comprendre à la lumière d’autres ḥadīths qui détaillent ces différentes étapes de purification avant l’intercession finale.
C. Troisième narration
حدثنا محمد بن القاسم المفسر الجرجاني – رحمه الله – قال : حدثنا أحمد بن الحسن الحسيني ، عن الحسن بن علي الناصر عن أبيه ، عن محمد بن علي ، عن أبيه الرضا ، عن أبيه موسى بن جعفر ، عن أبيه جعفر بن محمد ، عن أبيه محمد بن علي ، عن أبيه علي بن الحسين ، عن أبيه الحسين عليهم السلام قال : قيل لأمير المؤمنين عليه السلام : صف لنا الموت . فقال : على الخبير سقطتم ، هو أحد ثلاثة أمور يرد عليه : إما بشارة بنعيم الأبد ، و إما بشارة بعذاب الأبد ، و إما تحزين و تهويل و أمر مبهم لا يدري من أي الفرق هو ، فأما ولينا المطيع لأمرنا فهو المبشر بنعيم الأبد ، وأما عدونا المخالف علينا فهو المبشر بعذاب الأبد ، وأما المبهم أمره الذي لا يدري ما حاله فهو المؤمن المسرف على نفسه لا يدري ما يؤول إليه حاله ، يأتيه الخبر مبهما مخوفا ثم لن يسويه الله عز وجل بأعدائنا لكن يخرجه من النار بشفاعتنا ، فاعملوا وأطيعوا ، لا تتكلوا ولا تستصغروا عقوبة الله عز وجل فإن من المسرفين من لا تلحقه شفاعتنا إلا بعد عذاب ثلاثمائة ألف سنة
« L’Imām al-Ḥusayn (as) rapporte :
Un homme s’adressa à l’Emir des Croyants (as) et lui dit :
« Décris-moi la mort. »
L’Imām (as) répondit :
« Tu interroges un homme bien informé. La mort, pour chaque être humain, se présente sous l’une de ces trois formes : soit l’annonce de la félicité éternelle (le Paradis), soit la nouvelle du châtiment éternel, soit une incertitude mêlée d’angoisse, où la personne ignore à laquelle des deux catégories elle appartient.
Quant à celui qui nous aime et nous obéit, la bonne nouvelle de la félicité éternelle lui sera annoncée.
Quant à celui qui nous déteste et nous combat, le châtiment éternel lui est promis.
Et celui dont le sort est incertain et confus, c’est le croyant [qui nous aime], mais qui a commis de nombreuses fautes et s’est égaré dans des vices. Il reçoit une nouvelle ambivalente et effrayante – sans savoir encore de quel côté il basculera. Mais Allah (swt) ne le traitera jamais à l’égal de nos ennemis. Par notre intercession, il sera extrait de l’enfer.
Alors, pratiquez les bonnes œuvres et obéissez à Allah (swt), et ne vous sentez jamais totalement à l’abri, et ne prenez pas à la légère les conséquences du péché, car l’intercession ne s’appliquera à certains pécheurs — ceux qui ont exagéré dans la désobéissance — qu’après trois cent mille ans (de séjour en enfer). »[12]
Selon ce noble ḥadīth, très clair et explicite, les êtres humains, au moment de la mort et même après, se divisent en trois catégories :
1. Les amis d’Allah (awliyāʾ Allāh), ou les chiites sincères, qui seront admis au Paradis éternel.
2. Les mécréants et les ennemis des Ahl al-Bayt (as), qui demeureront à jamais en enfer.
3. Ceux dont la croyance est correcte, qui font partie des amoureux des Ahl al-Bayt (as) ou de ceux qui pleurent pour l’Imām al-Ḥusayn (as), mais dont les actes et la moralité sont remplis de nombreux et graves péchés.
Ces derniers, bien qu’imparfaits, ne sont toutefois pas considérés comme des mécréants, car ils croient au tawḥīd, à la nubuwwa et à l’imāma des Ahl al-Bayt (as).
Cependant, avant d’entrer au Paradis, ils devront passer par une phase de purification dans l’enfer, pour être purgés de leurs fautes et pour que la justice divine s’accomplisse pleinement.
La durée de ce châtiment en enfer variera selon la nature et la gravité de leurs péchés, ainsi que selon leurs vices moraux. Pour les plus corrompus d’entre eux, ce temps pourra atteindre jusqu’à trois cent mille ans de souffrance dans le Feu.
Ainsi, d’après ce ḥadīth, même les plus grands pécheurs parmi les aimants des Ahl al-Bayt (as) finiront par bénéficier de l’intercession, mais l’Imām ʿAlī (as) met sévèrement en garde cette catégorie de personnes. Il évoque un processus de shafāʿa extrêmement long, pouvant aller jusqu’à trois cent mille ans de supplice en enfer – une durée qui, à elle seule, est terrifiante à imaginer.
D. Quatrième narration
قال رسول الله صلى الله عليه وآله : اتقوا الله معاشر الشيعة ، فان الجنة لن تفوتكم وإن أبطأت بكم عنها قبائح أعمالكم ، فتنافسوا في درجاتها . قيل : فهل يدخل جهنم أحد من محبيك ، ومحبي علي عليه السلام ؟ قال : من قذر نفسه بمخالفة محمد و علي و واقع المحرمات و ظلم المؤمنين والمؤمنات و خالف ما رسما له من الشرعيات جاء يوم القيامة قذرا طفسا ، يقول له محمد و علي : يا فلان أنت قذر طفس ، لا تصلح لمرافقة مواليك الأخيار و لا لمعانقة الحور الحسان و لا لملائكة الله المقربين و لا تصل إلى ما هناك إلا بأن يطهر عنك ما هيهنا – يعني ما عليه من الذنوب – فيدخل إلى الطبق الاعلى من جهنم ، فيعذب ببعض ذنوبه و منهم من تصيبه الشدائد في المحشر ببعض ذنوبه ، ثم يلقطه من هنا و من هنا من يبعثهم إليه مواليه من خيار شيعتهم ، كما يلقط الطير الحبّ . و منهم من تكون ذنوبه أقل و أخف فيطهر منها بالشدائد و النوائب من السلاطين و غيرهم و من الآفات في الأبدان في الدنيا ليدلي في قبره و هو طاهر من ذنوبه.
و منهم من يقرب موته و قد بقيت عليه فيشتد نزعه و يكفر به عنه ، فان بقي شئ و قويت عليه يكون له بطن أو اضطراب في يوم موته ، فيقل من يحضره فيلحقه به الذل ، فيكفر عنه ، فان بقي شئ اتي به ولما يلحد و يوضع ، فيتفرقون عنه فيطهر . فان كانت ذنوبه أعظم وأكثر طهر منها بشدائد عرصات يوم القيامة ، فان كانت أكثر وأعظم طهر منها في الطبق الاعلى من جهنم و هؤلاء أشد محبينا عذابا وأعظمهم ذنوبا . ليس هؤلاء يسمون بشيعتنا و لكنهم يسمون بمحبينا و الموالين لأوليائنا و المعادين لأعدائنا، إن شيعتنا من شيعنا و اتبع آثارنا و اقتدى بأعمالنا.
Le Messager d’Allah (saw) a dit : « Craignez Allah, ô communauté des chiites !
Car le Paradis ne vous échappera pas, même si les vilenies de vos actes retardent votre accès à ses degrés.
Efforcez-vous donc d’atteindre les rangs les plus élevés. »
Il fut demandé : Quelqu’un parmi ceux qui t’aiment, ainsi que ceux qui aiment ʿAlī (as), entrera-t-il en enfer ?
Le Prophète (saw) répondit : Celui qui aura souillé son âme en désobéissant à Muḥammad (saw) et à ʿAlī (as), qui aura commis des interdits, et aura opprimé des croyants et des croyantes, et transgressé ce qu’ils ont tracé comme prescriptions religieuses,
se présentera au Jour du Jugement dans un état de souillure et de dégradation.
Alors, Muḥammad (saw) et ʿAlī (as) lui diront :
« Ô untel ! Tu es impur et repoussant.
Tu n’es pas digne de la compagnie de nos nobles partisans, ni de l’étreinte des houris resplendissantes, ni de la proximité des anges rapprochés. Tu ne pourras atteindre ces hauts degrés qu’après avoir été pleinement purifié de ce fardeau de péchés. »
Il sera alors envoyé dans la couche supérieure de l’enfer, où il sera châtié pour une partie de ses péchés.
Parmi eux, certains seront éprouvés par les afflictions du Mahshar (le rassemblement avant le jugement) pour une partie de leurs fautes, jusqu’à ce que des membres vertueux parmi leurs Imāms ou les pieux chiites les récupèrent, les arrachent, tel l’oiseau qui picore les grains.
D’autres, dont les péchés sont moindres, seront purifiés par les épreuves [de ce monde], les épreuves infligées par les autorités ou d’autres malheurs corporels [dans ce monde], de sorte qu’ils entreront dans leur tombe, purifiés.
Il y en a qui, à l’approche de la mort, n’auront pas encore été pleinement purifiés : leur agonie sera alors intensifiée pour que leurs fautes soient expiées. S’il en reste encore, une affliction corporelle ou un malaise au moment de leur mort servira d’expiation supplémentaire.
Et si, malgré toutes ces épreuves, il reste encore des péchés chez celui qui aime les Ahl al-Bayt (as), alors, lorsqu’il sera conduit pour être enterré, que la pierre tombale sera posée, que la terre recouvrira son corps, et que ses proches s’en iront en le laissant seul dans sa tombe, il subira des épreuves dans la solitude de la tombe, par lesquelles ses péchés seront enfin purifiés.
Mais si ses fautes sont encore plus graves et plus nombreuses, il sera purifié par les épreuves du Jour du Jugement. Et si ses péchés sont encore plus importants, il devra subir le châtiment dans la couche supérieure (la moins intense) de l’enfer jusqu’à ce qu’il en soit pleinement purifié. Ceux-là sont les plus éprouvés parmi nos amoureux, et les plus pécheurs d’entre eux.
Ils ne portent pas le nom de “chiites” à proprement dit, mais plutôt : “nos aimants”, “les partisans de nos alliés” et “les ennemis de nos ennemis”.
Quant à nos véritables chiites, ce sont ceux qui nous obéissent fidèlement, suivent les traces que nous avons laissées et prennent nos actions pour modèle dans leur comportement. »[13]
E. Cinquième narration
عن محمد بن مسلم قال : قال أبو عبد الله عليه السلام : والله لا يصف عبد هذا الامر فتطعمه النار ، قلت : ان فيهم من يفعل و يفعل ، فقال : انه إذا كان ذلك ابتلى الله تبارك وتعالى أحدهم في جسده فإن كان ذلك كفارة لذنوبه وإلا ضيق الله عليه في رزقه ، فإن كان كفارة لذنوبه وإلا شدد الله عليه موته حتى يأتي الله ولا ذنب له ثم يدخله الجنة
Muḥammad b. Muslim rapporte que l’Imām al-Ṣādiq (as) a dit :
« Par Dieu, aucun de ceux qui croient véritablement en notre wilāya ne sera la proie du feu de l’enfer. » Muḥammad b. Muslim poursuit : Je dis alors à l’Imām (as) : Mais parmi eux, il y en a assurément qui commettent des péchés !
L’Imām (as) répondit :
« Si tel est le cas, Dieu Tout-Puissant les éprouve dans ce monde par des maladies corporelles, et ces maladies constituent l’expiation de leurs fautes.
Et si ce n’est pas par la maladie, Il réduit leur subsistance et les éprouve par la pauvreté et les difficultés matérielles. Ce manque de moyens est alors la compensation de leurs fautes.
Et si cela aussi ne suffit pas, alors au moment de leur mort, Dieu les confronte à une agonie difficile et douloureuse, jusqu’à ce qu’ils Le rencontrent débarrassés de tout péché grâce à ces épreuves.
Ensuite, Il les fera entrer au Paradis. »[14]
F. Sixième narration
عنه ، عن ابن محبوب ، عن محمد بن القاسم ، عن داود بن فرقد ، عن يعقوب بن شعيب ، قال : قلت لأبي عبد الله عليه السلام : رجل يعمل بكذا و كذا فلم ادع شيئا إلا قلته وهو يعرف هذا الامر ، فقال : هذا يرجى له و الناصب لا يرجى له ، وإن كان كما تقول لم يخرج من الدنيا حتى يسلط الله عليه شيئا يكفر الله عنه به إما فقرا و إما مرضا
Aḥmad b. Muḥammad b. Khālid rapporte de Ibn Maḥbūb, de Muḥammad b. al-Qāsim, de Dāwūd b. Farqad, de Yaʿqūb b. Shuʿayb, qui dit :
J’ai dit à l’Imām al-Ṣādiq (as) : Qu’en est-il d’un homme qui commet tel acte honteux ou tel autre péché – et je n’ai rien omis ; je lui ai tout dit de ce qu’un homme pouvait faire comme péchés – toutefois, cet homme croit en votre imāmat, quel sera son sort ?
L’Imām (as) répondit : « Un tel homme peut encore espérer (la félicité), mais celui qui est nāṣibī [15] et ennemi à notre égard, lui, n’a aucun espoir. Si celui qui croit en notre autorité se comporte comme tu l’as décrit, alors il ne quittera pas ce monde sans que Dieu ne fasse descendre sur lui des épreuves qui servent d’expiation à ses fautes, telles que la pauvreté ou la maladie. »[16]
G. Septième narration
قال : عن أبي الصباح الكناني قال : كنت أنا و زرارة عند أبي عبد الله عليه السلام فقال : لا تطعم النار أحدا وصف هذا الامر ، فقال زرارة : إن ممن يصف هذا الامر يعمل بالكبائر
فقال : أو ما تدري ما كان أبي يقول في ذلك ؟ ! إنه كان يقول : إذا ما أصاب المؤمن من تلك الموبقات شيئا ابتلاه الله ببلية في جسده، أو بخوف يدخله الله عليه ، حتى يخرج من الدنيا و قد خرج من ذنوبه
Abū al-Ṣabāḥ al-Kinānī rapporte :
J’étais, avec Zurarah, en présence de l’Imām al-Ṣādiq (as) lorsque ce dernier déclara :
« Aucun de ceux qui croient en notre wilāya ne goûtera au feu de l’enfer. »
Zurarah dit alors :
Mais certains de ceux qui croient en votre autorité commettent de graves péchés !
L’Imām (as) répondit :
« Sais-tu ce que disait mon père, l’Imām al-Bāqir (as), à propos de ces personnes ? Il disait : Lorsqu’un croyant commet certains grands péchés, Allah l’éprouve alors par une maladie corporelle, ou bien Il lui fait connaître une grande peur, jusqu’à ce qu’au moment de sa mort, il ait été purifié de ses fautes. »[17]
Ce ḥadīth affirme encore explicitement que les amoureux des Ahl al-Bayt (as) – lesquels, pleurèrent naturellement, pour les épreuves subies par l’Imām al-Ḥusayn (as) -, même s’ils ont commis des péchés majeurs dans ce monde, ne seront jamais livrés à l’enfer éternel, grâce à l’intercession des Ahl al-Bayt (as).
Cependant, la manière dont cette intercession s’applique suit un processus :
Ces péchés sont expiés dès cette vie, soit par des maladies physiques, soit par des peurs et angoisses que Dieu fait peser sur eux. C’est ainsi qu’ils seront purifiés de leurs fautes, avant même de quitter ce monde.
H. Huitième narration
محمد بن يحيى ، عن محمد بن الحسين ، عن محمد بن إسماعيل ، عن صالح بن عقبة ، عن أبي شبل قال قلت لأبي عبد الله: رجل مسلم ابتلي ففجر بجارية أخيه فما توبته ؟ قال : يأتيه فيخبره ويسأله أن يجعل من ذلك في حلّ ولا يعود قال : قلت : فإن لم يجعله من ذلك في حلّ قال: قد لقى الله عز وجل وهو زان خائن ، قال : قلت : فالنار مصيره ؟ قال : شفاعة محمد صلى الله عليه وآله و شفاعتنا تحبط بذنوبكم يا معشر الشيعة فلا تعودون وتتكلون على شفاعتنا فوالله ما ينال شفاعتنا إذا ركب هذا حتى يصيبه ألم العذاب ويرى هول جهنم
« Muḥammad b. Yaḥyā transmet de Muḥammad b. al-Ḥusayn, de Muḥammad b. Ismāʿīl, de Ṣāliḥ b. ʿUqba, qui rapporte d’Abī Shabīl :
Je dis à l’Imām al-Ṣādiq (as) : Un homme musulman est mis à l’épreuve, et en vient à commettre un acte de fornication avec la servante de son frère [en religion].
Quelle est sa repentance ?
L’Imām al-Ṣādiq (as) répondit : Il doit aller voir son frère [en religion], lui avouer ce qu’il a fait, et lui demander pardon et absolution.
Je dis : Et si ce dernier refuse de l’absoudre ?
L’Imām al-Ṣādiq (as) répondit : Dans ce cas, il rencontrera Allah (swt) au Jour du Jugement en tant que fornicateur (zānī) et traître (khāʾin).
Je dis : Son sort sera-t-il alors l’Enfer ?
L’Imām répondit : L’intercession du Messager d’Allah (saw) et notre intercession effaceront vos péchés.
Ô communauté des chiites ! Ne vous adonnez pas [aux péchés] et ne vous reposez pas sur notre intercession.
Par Allah ! Notre intercession ne s’appliquera à de telles personnes qu’après qu’elles aient goûté à la douleur du châtiment, et à l’effroi et l’angoisse de l’Enfer. »[18]
Dans ce noble ḥadīth, l’Imām al-Ṣādiq (as) affirme clairement que ceux parmi les partisans des Ahl al-Bayt (as) qui, dans ce monde, ont commis des péchés liés aux droits des autres (ḥuqūq al-nās), bénéficieront de l’intercession (shafāʿa) et ne seront pas condamnés éternellement à l’Enfer.
Cependant, il met en garde : l’intercession est soumise à certaines conditions, dont le fait de goûter au châtiment, à la peur et à la terreur du Jour du Jugement – voire, dans certains cas, à un passage transitoire par l’Enfer. Cela permettra que leurs péchés soient expiés et qu’ils deviennent dignes d’entrer au Paradis et de rejoindre les autres bienheureux.
I. Neuvième narration
L’Emir des Croyants (as), dans un autre ḥadīth, divise les partisans des Ahl al-Bayt (as) en trois catégories et déclare :
من أحبّنا بقلبه و أعاننا بلسانه و قاتل معنا أعداءنا بيده فهو معنا في الجنة في درجتنا و من أحبنا بقلبه و أعاننا بلسانه و لم يقاتل معنا أعداءنا فهو أسفل من ذلك بدرجتين و من أحبنا بقلبه و لم يعنا بلسانه و لا بيده فهو في الجنة
« Celui qui nous aime sincèrement dans son cœur, nous soutient par ses paroles et combat à nos côtés contre nos ennemis, celui-là sera avec nous au Paradis, au même degré que le nôtre.
Quant à celui qui nous aime dans son cœur, nous soutient par ses paroles, mais ne combat pas à nos côtés contre nos ennemis, il sera alors au Paradis, deux degrés en dessous.
Et celui qui nous aime dans son cœur, mais ne nous soutient ni par ses paroles ni par ses actes, sera [à un niveau inférieur] au Paradis. »[19]
Selon ce ḥadīth, les vrais chiites ou les véritables partisans des Ahl al-Bayt (as) sont ceux qui, au-delà de l’expression de leur amour envers les Imāms infaillibles (as), leur sont également conformes dans tous les aspects de la croyance, de la pratique et de la morale.
Ceux-là seront, au Paradis, les voisins des Ahl al-Bayt (as) et jouiront d’un rang élevé.
Toutefois, parmi leurs partisans, certains ne leur correspondent pas pleinement dans la conduite et la moralité. Ils peuvent être affectés par des vices éthiques ou avoir commis des péchés – que cela relève des droits d’Allah (swt) ou des droits des hommes. Ces personnes, après avoir goûté aux épreuves dans ce monde ou dans l’au-delà, entreront tout de même au Paradis grâce à l’intercession des Ahl al-Bayt (as). Toutefois, leur degré au Paradis dépendra naturellement du niveau de leur fidélité et de leur conformité aux enseignements des Imāms (as).
Conclusion
À la lumière des discussions précédentes, il apparaît clairement que les ḥadīths concernant le pardon des péchés de ceux qui pleurent pour l’Imām al-Ḥusayn (as) sont authentiques et fiables. Ce pardon – dans la mesure où il ne contredit pas la justice divine – peut même inclure les péchés liés aux droits des autres (ḥaqq al-nās).
Ce pardon s’opère à travers le processus d’intercession (shafāʿa) des Ahl al-Bayt (as), lequel permet de compenser même les atteintes aux droits d’autrui.
Ce processus, en plusieurs phases, tend à purifier l’âme de ses fautes et de toute souillure.
Ces étapes sont les suivantes :
- Les épreuves du monde d’ici-bas : pauvreté, maladie, crainte des gouvernants injustes, oppression subie de leur part, ou encore les douleurs et difficultés liées à l’agonie et à la mort.
- Les affres et tourments du Jour du Jugement.
- Une présence temporaire en Enfer et le goût du châtiment qui y règne.
Selon les ḥadīths, une personne qui croit en l’imāmat des Imāms infaillibles (as), qui a versé des larmes pour les malheurs de l’Imām al-Ḥusayn (as), mais qui a commis des péchés en ce monde, sera purifiée de ses fautes et de ses souillures en endurant les épreuves d’une ou plusieurs de ces étapes.
Puis enfin, grâce à l’intercession des Ahl al-Bayt (as), elle pourra entrer au Paradis.
[1] Institut fondé sous la supervision de Āyatollāh Khazʿalī et dirigé par Āyatollāh Sayyid Muḥammad Ḥusaynī Qazwīnī
[2] Al-Kulaynī al-Rāzī, Abū Jaʿfar Muḥammad b. Yaʿqūb b. Isḥāq (m. 329 H), al-Uṣūl min al-Kāfī, vol. 2, p. 359, éditeur : Islāmiyya, 2ᵉ éd., 1362 Sh
[3] Le Saint Coran, Sourate al-Maʿārij (70), verset 4
[4] Al-Shuʿayrī, Muḥammad b. Muḥammad (6ᵉ siècle H), Jāmiʿ al-akhbār, p. 147, Najaf, éd. : Maṭbaʿat Ḥaydarīyya, 1ʳᵉ éd.
[5] Al-Imām al-ʿAskarī, Ḥasan b. ʿAlī (as), martyrisé en 260 H, Tafsīr al-Imām al-ʿAskarī (as), p. 204, vérifié par : Madrasat al-Imām al-Mahdī (ʿaj), sous la supervision de Sayyid Muḥammad Bāqir al-Muwaḥḥid al-Abṭaḥī, éditeur : Madrasat al-Imām al-Mahdī (ʿaj) 1ʳᵉ édition vérifiée, 1409 H
Al-Baḥrānī, Sayyid Hāshim (m. 1107 H), al-Burhān fī tafsīr al-Qurʾān, vol. 1, p. 157, présenté par : Shaykh Muḥammad Hādī Āṣifī, vérification : Qism al-Dirāsāt al-Islāmiyya / Muʾassasat al-Baʿtha
[6] Al-Majlisī, Muḥammad Bāqir (m. 1111 H), Biḥār al-anwār al-jāmiʿa li-durar akhbār al-aʾimma al-aṭhār, vol. 65, p. 155, éd. : Muḥammad al-Bāqir al-Bahbūdī, éditeur : Muʾassasat al-Wafāʾ, 2ᵉ éd. Corrigée, 1403 H / 1983 CE
[7] Al-Qummī, Abū Jaʿfar al-Ṣadūq, Muḥammad b. ʿAlī b. al-Ḥusayn b. Bābawayh (m. 381 H), ʿUyūn akhbār al-Riḍā (as), vol. 2, p. 62–63, vérification, annotation et introduction : Shaykh Ḥusayn al-Aʿlamī, éditeur : Muʾassasat al-Aʿlamī li-l-Maṭbūʿāt, 1404 H
[8] Sourate al-Ghāshiya, 88:25–26
[9] Al-Kūfī, Furāt b. Ibrāhīm al-Kūfī (m. 352 H), Tafsīr Furāt al-Kūfī, p. 552, éd. : Muḥammad al-Kāẓim, éditeur : Muʾassasat al-Ṭabʿ wa-l-Nashr, 1ʳᵉ éd., 1410 H
[10] NDT : Le terme « sardāb » désigne une crypte souterraine. Dans le contexte chiite, il fait référence en particulier à la crypte de la maison des Imāms (as) à Sāmarrāʾ (Irak), lieu où l’Imām al-Mahdī (ajfs) aurait été vu pour la dernière fois avant son occultation majeure. Ce lieu est devenu un symbole spirituel important dans la tradition imamite.
[11] Al-Majlisī, Muḥammad Bāqir (m. 1111 H), Biḥār al-anwār al-jāmiʿa li-durar akhbār al-aʾimma al-aṭhār, vol. 53, p. 303, vérifié par Muḥammad al-Bāqir al-Bahbūdī, éd. : Muʾassasat al-Wafāʾ, 2ᵉ éd. Corrigée, 1403 H / 1983 CE
[12] Al-Ṣadūq, Abū Jaʿfar Muḥammad b. ʿAlī b. al-Ḥusayn (m. 381 H) :
– Maʿānī al-akhbār, p. 288, éd. : Jāmiʿa-yi Mudarrisīn, 1ʳᵉ éd., 1403 H
– Al-Iʿtiqādāt fī dīn al-imāmiyya, p. 51, éd. : ʿIṣām ʿAbd al-Sayyid, éditeur : Dār al-Mufīd, 2ᵉ éd., 1414 H / 1993 CE
[13] Al-ʾImām al-ʿAskarī, Ḥasan b. ʿAlī (as), m. 260 H, Tafsīr al-ʾImām al-ʿAskarī (as), p. 305, éd. Vérifiée : Madrasat al-ʾImām al-Mahdī (as), sous la supervision de Sayyid Muḥammad Bāqir al-Muwaḥḥid al-Abṭaḥī, éditeur : Madrasat al-ʾImām al-Mahdī (ʿaj) – 1ʳᵉ éd. Vérifiée, 1409 H ; Al-Baḥrānī, Sayyid Hāshim, m. 1107 H, al-Burhān fī tafsīr al-Qurʾān, vol. 4, p. 601, introduction : Shaykh Mahdī Āṣifī, vérification : Département des études islamiques – Muʾassasat al-Baʿtha ; Al-Majlisī, Muḥammad Bāqir, m. 1111 H, Biḥār al-anwār al-jāmiʿa li-durar akhbār al-ʾaʾimma al-aṭhār, vol. 8, p. 352, vérifié par Muḥammad al-Bāqir al-Bahbūdī, éditeur : Muʾassasat al-Wafāʾ, 2ᵉ éd. Corrigée, 1403 H / 1983 CE
[14] Al-Barqī, Aḥmad b. Muḥammad b. Khālid (m. 274 H), al-Maḥāsin, vol. 1, p. 172, vérification, annotation : Sayyid Jalāl al-Dīn al-Ḥusaynī (al-Muḥaddith), éditeur : Dār al-Kutub al-Islāmiyya, 1370 H / 1330 Sh
[15] NDT : Le terme « nāṣibī » (pl. nawāṣib) désigne, dans la terminologie chiite, toute personne qui manifeste de l’hostilité envers les Ahl al-Bayt (as) ou qui nie leur autorité légitime après le Prophète (saw). Il est considéré comme l’opposé du partisan ou du chiite fidèle.
[16]Al-Barqī, Aḥmad b. Muḥammad b. Khālid (m. 274 H), al-Maḥāsin, vol. 1, p. 172, vérifié et annoté par Sayyid Jalāl al-Dīn al-Ḥusaynī (al-Muḥaddith), éditeur : Dār al-Kutub al-Islāmiyya, 1370 H / 1330 Sh
[17] Al-Iskāfī, Muḥammad b. Hammām (m. 336 H), al-Tamḥīṣ, p. 40, éd. : Madrasat al-ʾImām al-Mahdī (as), éditeur : Madrasat al-ʾImām al-Mahdī (ʿaj).
Un ḥadīth portant sur le même sens est également rapporté dans l’ouvrage al-Maḥāsin : al-Barqī, Aḥmad b. Muḥammad b. Khālid (m. 274 H), al-Maḥāsin, vol. 1, p. 172, vérifié, annoté et édité par Sayyid Jalāl al-Dīn al-Ḥusaynī (al-Muḥaddith), éditeur : Dār al-Kutub al-Islāmiyya, 1370 H / 1330 Sh
[18] Al-Kulaynī al-Rāzī, Abū Jaʿfar Muḥammad b. Yaʿqūb b. Isḥāq (m. 328 H), al-Uṣūl min al-Kāfī, vol. 5, p. 469-470, éd. Islāmiyya, 2e éd., 1362 H. sh.
Al-Ṣadūq, Abū Jaʿfar Muḥammad b. ʿAlī b. al-Ḥusayn (m. 381 H), Man lā yaḥḍuruhu al-faqīh, vol. 4, p. 39, éd. ʿAlī Akbar al-Ghiffārī, éd. Jāmiʿat al-Mudarrisīn.
[19] Al-Ṣadūq, Abū Jaʿfar Muḥammad b. ʿAlī b. al-Ḥusayn (m. 381 H), al-Khiṣāl, p. 629, éd. ʿAlī Akbar al-Ghiffārī, publié par les éditions de Jamāʿat al-Mudarrisīn, 1403 H / 1362 H. sh.
